Méconnu du grand public, ce trésor normand dévoile ses villas envoûtantes et son charme côtier, loin des foules touristiques.
Pas besoin de traverser la France pour sentir le vent salé sur votre peau, entendre les galets rouler sous les vagues ou croiser un coin encore épargné par les foules. À Villerville, tout respire le calme et l’élégance simple. On y arrive presque par hasard, en roulant entre Honfleur et Trouville, et puis soudain, on freine. On ralentit. Quelque chose accroche le regard. Ce n’est pas ostentatoire, ça ne cherche pas à briller. C’est plus fin, plus subtil. Et on sent très vite qu’on vient de tomber sur un lieu qui ne ressemble à aucun autre.
Villerville, entre mer sauvage et ruelles pleines d’âme
Ici, pas de front de mer bétonné, pas d’enseignes criardes. À la place, des maisons aux façades biscornues, des ruelles qui serpentent comme si elles avaient poussé toutes seules, sans plan. On devine vite pourquoi tant de peintres ont planté leur chevalet à Villerville. Le village, accroché à flanc de falaise, regarde la mer sans filtre. La plage descend doucement vers l’eau, bordée d’un site géologique que le temps a sculpté comme une œuvre brute. Et en contrebas, le silence. Pas celui du vide, non, celui qui apaise.
Le contraste est saisissant avec Trouville, juste à côté. Entre les deux, les falaises des Roches Noires dressent un mur naturel, vierge de toute construction sur quatre kilomètres. Pas une maison, pas un chemin de traverse. Juste la Manche, en bas, et la pierre, en haut. Ce tronçon est classé « Espace Naturel Sensible », un nom un peu administratif pour désigner un coin de littoral resté presque tel quel depuis des millions d’années. L’endroit impose le respect. Et invite à ralentir, vraiment. À marcher lentement, à regarder loin, à laisser tomber l’agitation.
En entrant dans le village, on découvre un autre trésor discret : le Parc des Graves. Pas un grand parc bien taillé à l’anglaise. Non, plutôt un jardin escarpé, un peu fou, qui dégringole jusqu’à la mer. On y croise des chèvres, des canards, des familles avec des glacières et des enfants qui courent dans les herbes hautes. Les 800 mètres de sentiers sont autant d’occasions de lever les yeux, de s’asseoir à l’ombre, de s’étonner devant une vue qu’on n’attendait pas. Et quand le soleil baisse, l’horizon s’embrase. Le genre de moment qu’on n’ose plus prendre en photo tant il semble hors du temps.
Le décor d’un film, les souvenirs d’une époque
Il suffit de quelques pas dans le centre pour qu’un détail attire l’attention. Une fresque, un nom sur une plaque, une silhouette familière… Ici, Villerville n’a pas seulement inspiré des peintres, il a aussi accueilli le tournage d’un film devenu culte : Un Singe en hiver. Gabin, Belmondo, des dialogues ciselés, un bar devenu presque mythique. Le Cabaret Normand existe toujours. Il a gardé son allure d’avant, et si on tend l’oreille, on pourrait presque entendre un rire un peu rauque, ou la voix grave de Gabin glisser dans les ruelles.
C’est une balade à part, de celles qui réveillent les souvenirs même quand on n’a jamais vu le film. On imagine la caméra tournant lentement, les acteurs en pause entre deux prises, le village comme un décor parfait, parce qu’il n’en fait pas trop. Et c’est encore ce qui frappe aujourd’hui : Villerville ne cherche pas à plaire. Il est. Simplement. Et c’est ce qui séduit. Ce mélange de modestie, d’authenticité, de beauté sans ostentation.
C’est peut-être ça, le luxe ultime : un endroit où l’on peut marcher sans but, pique-niquer sans se presser, rêver sans bruit. Il n’y a pas d’attraction touristique majeure, pas de truc à cocher sur une carte. Juste un sentiment, tenace, qui reste longtemps après qu’on est reparti. Celui d’avoir mis les pieds quelque part où le temps n’a pas encore gagné.