Avec son revers soyeux et sa nonchalance assumée, Lorenzo Musetti fait chavirer Roland-Garros en beauté, avec l’élégance en héritage.
Il y a des joueurs qui frappent fort. Et puis, il y a ceux qu’on regarde pour le plaisir, pour l’élégance, pour cette façon de faire chanter la balle. Ce mardi, le public de Roland-Garros a vu l’un de ces artistes passer à l’œuvre : Lorenzo Musetti a signé une qualification qui restera dans les mémoires.
Un revers de velours et un vent capricieux
Face à Frances Tiafoe, pas vraiment un joueur qu’on attendait là, Lorenzo Musetti a fait ce qu’il sait faire de mieux : poser son tempo, s’appuyer sur l’agressivité de l’autre et dérouler un jeu aussi fluide qu’instinctif. Le match n’a pourtant pas été un long fleuve tranquille. Dans le troisième set, le doute a brièvement traversé les tribunes quand l’Italien a laissé filer quelques points, mais il a vite resserré le jeu. Un vent tourbillonnant est venu pimenter l’affaire, bousculant les trajectoires, forçant les ajustements. Et dans ce chaos aérien, le revers à une main de Lorenzo Musetti, ce geste presque vintage, a résisté comme un charme ancien qu’on ne peut briser.
Lui-même en parle comme d’un héritage naturel. Il n’a jamais été question pour ses entraîneurs de le corriger, de lisser cette singularité. On comprend pourquoi. Sur ce court, malgré la puissance de Tiafoe, malgré la nervosité du moment, Musetti a gardé cette souplesse qui le distingue. Ce n’est pas qu’il joue mieux. C’est qu’il joue autrement. Il offre quelque chose de rare, presque disparu : du style, du souffle, un peu de poésie dans un sport devenu brutal. Et c’est sans doute ce qui l’a porté vers cette première fois dans le dernier carré. Ce goût des demi-finales à Roland-Garros, ce frisson que Paris réserve aux joueurs capables de sublimer la terre battue.
Lorenzo Musetti : une première porte qui s’ouvre à Paris
Il ne faut pas s’y tromper. Le score ne dit pas tout. Sur le papier, quatre sets maîtrisés, avec un adversaire qui multiplie les fautes (51 fautes directes pour Tiafoe, contre seulement 32 pour Musetti), ça semble simple. Mais il fallait tenir. Ne pas se laisser entraîner dans la précipitation. Ne pas répondre à l’agressivité par l’agitation. Et Lorenzo Musetti, justement, a ce sang-froid qui fait souvent la différence. Pas besoin de surjouer. Il a laissé Tiafoe s’emballer, gâcher, cogner trop tôt, trop fort, trop loin.
Jusqu’ici, le jeune Italien n’avait jamais dépassé les huitièmes sur la terre rouge de Paris. Il y avait toujours un mur en face : Djokovic à deux reprises, Tsitsipas, Alcaraz… Ce mardi, il a enfin trouvé la faille. Et ça change tout. Parce que les demi-finales à Roland-Garros, ce n’est pas juste une ligne en plus sur un palmarès. C’est une bascule. Une nouvelle posture dans le vestiaire, dans les yeux des autres. Une confirmation qu’on n’est plus juste un espoir, ou une jolie main. On devient une menace.
Une année en crescendo, des retrouvailles en vue
Ce n’est pas un hasard. Ce printemps, Lorenzo Musetti a franchi un cap. À Monte-Carlo, il atteint la finale. À Rome et à Madrid, il pousse jusqu’en demi-finale. Il a pris le goût de la profondeur. Du temps long dans les grands tournois. Et ce Roland-Garros, justement, vient comme la suite logique. L’aboutissement d’une progression régulière, discrète, mais sûre. Rien d’ostentatoire. Juste du travail, de la confiance, un jeu qui s’épanouit au bon moment.
Il pourrait croiser de nouveau Carlos Alcaraz dans les prochains jours, si l’Espagnol écarte Tommy Paul. Ce serait leur troisième affrontement cette saison, tous perdus par l’Italien. Mais ici, dans l’intimité vibrante de la terre parisienne, l’histoire pourrait prendre un virage. Parce que Lorenzo Musetti joue à domicile, quelque part. La terre battue, c’est chez lui. Et les demi-finales à Roland-Garros, ce théâtre rouge où tout devient possible, pourraient bien être le décor de son vrai tournant.