Avec 3 milliards d’euros remboursés en 2024, la Cnam serre la vis et impose de nouvelles règles aux taxis pour le transport sanitaire.
C’est un sujet qu’on croyait technique, presque invisible, mais qui touche des milliers de patients au quotidien. Le transport sanitaire en taxis entre dans une zone de turbulences sérieuses. L’Assurance maladie veut revoir les règles du jeu. Et cette fois, ça coince fort. Trois milliards d’euros remboursés rien qu’en 2024, un budget en hausse constante, une réforme jugée nécessaire en haut lieu… mais intenable par ceux qui sont au volant. Résultat : un bras de fer se tend entre les chauffeurs et la Sécu, et la menace d’un blocage national est plus que jamais sur la table.
Le transport sanitaire en taxis au cœur d’un conflit social majeur
Ce qui met le feu aux poudres, c’est cette nouvelle convention que la Caisse nationale d’Assurance maladie souhaite imposer. Son objectif ? Mieux encadrer un secteur qui a explosé ces dernières années. Un modèle tarifaire unique, des forfaits, une limitation des retours à vide, et surtout… la généralisation du transport partagé. Là, ça coince fort. Dans les faits, cela signifie qu’un patient revenant d’une dialyse, d’une chimio ou d’une opération ne sera plus seul dans son taxi, mais partagera son trajet avec d’autres malades. Rentable pour la Sécu. Moins pour les chauffeurs. Et parfois rude pour les patients.
Certains témoignages sont déjà remontés. Une femme, opérée, restée trois heures dans un taxi à tourner pour déposer d’autres passagers. Inacceptable, disent les associations de patients. Et pourtant, le message est clair : refuser ce système de covoiturage sanitaire, c’est s’exposer à un remboursement réduit. Une façon à peine déguisée de rendre le système incontournable, malgré les critiques.
Côté chauffeurs, la colère gronde. Cette fois, la grève des taxis prend une ampleur nationale. Opérations escargot à Paris, rassemblements à Pau, à Marseille, à Rennes… Plus de 5 000 véhicules attendus dès 7 h du matin. La FNDT, principale fédération du secteur, parle d’un modèle imposé en force. « La Sécu décide, les taxis appliquent », résume Dominique Buisson, secrétaire national. Ce sentiment de ne plus être écouté, de devoir encaisser les décisions venues d’en haut sans pouvoir les discuter alimente une vraie rage.
Les taxis tirent la sonnette d’alarme
Derrière la revendication, il y a des chiffres. Le transport sanitaire en taxis représente à lui seul plus de 3 milliards d’euros en 2024, soit une hausse de 45 % depuis 2019. Difficile à tenir, dit l’Assurance maladie. Le nouveau schéma prévoit une rémunération par forfait (13 euros de prise en charge, plus une base kilométrique selon les zones), avec des majorations ciblées, par exemple pour les personnes à mobilité réduite. Dans deux tiers des départements, surtout ruraux, cela pourrait être avantageux pour les chauffeurs. Dans le reste ? Seulement si les retours à vide diminuent.
La grève des taxis, prévue ce lundi, pourrait n’être qu’un début. Une « journée blanche » est lancée pour les transports médicaux, mais les organisations préviennent : elle pourra être reconduite, durcie, amplifiée selon l’évolution des discussions. Ce qui se joue ici dépasse une simple révision tarifaire. C’est une remise en question d’un modèle économique. Le transport sanitaire en taxis, pour beaucoup de petites entreprises locales, représente la majeure partie de l’activité. Touche au tarif, tu touches à l’équilibre. Trop fort, et le système s’effondre.
La fédération nationale du Taxi ne mâche pas ses mots. Pour elle, la réforme augmente les inégalités territoriales, fragilise les zones rurales et fait peser la responsabilité de l’organisation des transports sur des acteurs qui n’en ont ni les moyens ni les outils. Les plateformes de VTC, elles, sont dans le viseur. Accusées de contourner les règles, de brouiller les frontières entre service public et logiques privées, elles attisent encore un peu plus la tension.
Taxi : grève et désaccords
Le projet prévoit aussi la création de plateformes de transport dans les hôpitaux, pour centraliser les demandes, organiser les trajets, limiter les temps morts. Sur le papier, ça semble rationnel. Sur le terrain, c’est encore flou. Et les chauffeurs s’inquiètent d’un effet terrible : la déshumanisation d’un service qui repose aussi sur la confiance, le contact, la régularité. Le transport sanitaire en taxis, ce n’est pas un Uber. C’est souvent une routine, un repère pour des personnes vulnérables.
Les revendications sont claires. Gel immédiat de la convention, maintien de la tarification au taximètre, nomination d’un médiateur indépendant, garanties pour faire respecter les règles du métier. À défaut, la grève des taxis pourrait s’ancrer dans la durée. Et la relation déjà fragile entre les chauffeurs et la Caisse nationale d’Assurance maladie pourrait définitivement se briser.
Dans cette bataille silencieuse, les patients, eux, risquent de se retrouver au milieu. Un rendez-vous manqué, un trajet annulé, un suivi médical perturbé… Il suffit de peu pour désorganiser un quotidien fragile. C’est bien là toute la difficulté : réformer sans casser. Rationaliser sans brutaliser. Et faire évoluer le transport sanitaire en taxis sans perdre ce qui fait, encore aujourd’hui, sa valeur humaine.